ANTONIO ASIS (1932-2019)

La trajectoire d'Antonio Asis résume l'histoire de l'art optico-cinétique, dont il est l'un des représentants les plus conséquents. Arrivé à Paris en 1956 après sa formation à l'École nationale des Beaux-Arts de Buenos Aires, sa ville natale, il se rapproche aussitôt des artistes qui ont participé — à la Galerie Denise René un an plus tôt — à l'exposition « Le Mouvement ». Pour lui aussi la nécessité s'impose de dépasser le langage traditionnel de l'abstraction géométrique et de faire éclater le carcan de la forme fixe et immuable, cela au nom d'une intuition relative à la structure vibratoire de l'univers. La solution se dessine au moment où, à l'instar de son ami Jesús Rafael Soto, il adopte un système de superposition de trames qui le conduit à la réalisation de son premier relief vibrant, Linéaire [1956]. Dès lors, le continuo fondamental de l'œuvre est donné : des grilles métalliques, limitées à deux ou trois types de perforations, se surimposent à des trames dont les formes géométriques régulières se dissolvent en bouffées de lumière lorsque le spectateur évolue devant elles. La surface se dissout, la forme se désintègre en particules lumineuses, la matière se mue en énergie.

Si la vibration est la véritable structure immatérielle de l'univers, l'interaction, l'interférence, le contraste ou l'accord des couleurs en sont la traduction visible. Asis s'engage dans cette investigation à travers plusieurs séries d'œuvres, souvent de petit format, accomplies quotidiennement ou presque dans le confinement de son atelier parisien. Grilles dans lesquelles l'artiste semble tisser la couleur, cercles concentriques formant des cibles pulsatiles ou rayonnant à partir de centre multiples, elles témoignent d'un esprit de recherche systématique et d'une concentration superbement indifférente à la dimension mondaine de l'acte créateur. Les centaines d'œuvres qui en résultent sont réunies, par-delà la diversité des séries, par un même projet : l'exploration du « cadre vibrationnel » des couleurs, pour reprendre l'expression de l'artiste. Elles constituent autant d'affirmations du mouvement chromatique comme force primordiale et comme manifestation du dynamisme universel, communiqués à l'observateur par la stimulation rétinienne.

Les reliefs de Asis laissent aussi libre cours à d'autres interactions, tactiles et kinesthésiques. Constituées de rubans métalliques ou de boules de liège montées sur ressort, les œuvres des séries Spirales, Vibrations tactiles et Boules tactiles appellent la participation du spectateur, à travers le toucher et la préhension. Ce rapport nouveau du spectateur à l'œuvre connaît son apogée avec les environnements de boules tactiles lumineuses que l'artiste installe à la Biennale de Paris en 1967 et l'année suivante à la Maison de la Culture de Grenoble dans l'exposition « Cinétisme Spectacle Environnement ». À cette époque, Asis est impliqué dans la plupart des grands événements qui structurent la tendance optico-cinétique, des expositions « Licht und Bewegung » à Berne en 1965 à « Lumière et Mouvement » à Paris en 1967, en passant par les rassemblements de la Galerie Denise René et ceux de la Signals Gallery à Londres. Personnalité discrète et solitaire, Asis n'en a pas moins été à l'initiative du groupe Position qui réunit dans les années 1970 plusieurs artistes argentins de Paris et, avant cela, l'un des acteurs les plus engagés, aux côtés de Carmelo Arden Quin, de la revue artistique et littéraire Ailleurs — dans les pages desquelles il publiait ses photogrammes, un aspect moins connu de sa création. C'est à travers ces collaborations choisies, et d'autres, qu'Asis se montrait l'ami dont chacun se souvient.

Arnauld Pierre